samedi 12 novembre 2016

Le tourbillon d'une vie

Mon envie de découvrir le cinéma d'Alejandro Jodorowsky ne date pas d'hier. C'est mon association qui m'en a donné l'occasion, en projetant son dernier film: Poesía sin fin. J'indique à ceux qui s'étonneraient d'un titre en espagnol que "Jodo" - comme son nom ne l'indique pas - est chilien. Même si, depuis les fifties, il a souvent vécu en France...

Poesía sin fin fait justement le récit de sa vie d'avant l'exil. Histoire de camper le personnage, je peux déjà préciser qu'il a pris le bateau vers l'Europe pour vivre son inspiration de poète, tâcher de rencontrer rapidement André Breton et... revivifier le mouvement surréaliste ! Pour le jeune homme qu'il était alors, l'idée était un peu folle sûrement, mais aussi courageuse, acte de rébellion à l'égard d'un père commerçant qui voulait voir son fils devenir médecin. Cette histoire incroyable, Jodo nous la raconte de manière incroyable. Il m'a été difficile de trouver des images qui rendent compte de la frénésie visuelle qu'est ce long-métrage. Dans un style baroque qui rappelle parfois ceux de Buñuel et Fellini, le réalisateur - à 87 ans ! - déploie toute son imagination pour rappeler ce qu'il a vécu sous une forme hautement imagée et symbolique. Et, au passage, il apparaît à l'écran comme le narrateur de sa propre destinée, met le rôle de son père entre les mains de Brontis, son talentueux fils aîné, tout en confiant évidemment son propre rôle à Adan, son benjamin. Et... ça marche !

C'est vrai aussi qu'il y a sans doute mille choses à raconter sur la vie et la longue carrière d'Alejandro Jodorowski, cinéaste et poète donc, mais aussi fabuliste, dramaturge, romancier et scénariste de bandes dessinées. Si le film remonte à la source, je crois utile de préciser qu'il s'inscrit dans une logique de trilogie, après un opus déjà sorti sous le titre La danza de la realidad et en attendant une conclusion encore très hypothétique, semble-t-il. Jodo n'a pas toujours l'argent nécessaire pour lâcher la bride de ses muses et passe désormais souvent par l'utilisation du financement participatif pour en réunir assez. Au vu du résultat, j'espère vraiment que ce vieux monsieur parviendra finalement à se raconter "jusqu'au bout". Si j'ai mis quelque temps à y rentrer vraiment, le tourbillon de son long-métrage m'a ensuite embarqué pleinement, plaisir et émotion mélangés. Derrière l'aspect foutraque de ce cinéma se cache à mon sens un film d'apaisement et de réconciliation avec le passé. Mais un film tourné vers l'avenir aussi, qui incite la jeunesse à aller de l'avant. La classe !

Poesía sin fin
Film chilien d'Alejandro Jodorowsky (2016)

Même s'il est un second volet, ce film m'a paru aussi une introduction parfaite dans l'univers de son créateur - et j'y reviendrai un jour. Après avoir songé à Buñuel et Fellini, donc, j'ai repensé également aux outrances d'un certain Kusturica (une comparaison imparfaite). Jodo n'appartient qu'à lui-même et c'est très bien ainsi. L'émotion finit par prendre le dessus... une vraie grande expérience de cinéma !

2 commentaires:

Lui a dit…

Vous avez raison de dire que Jodorowsky est inclassable. Il va toujours très loin dans des directions multiples, il est très difficile à suivre. Je n'ai pas vu ce film mais j'ai essayé de regarder son précédent La danza de la realidad mais j'ai abandonné au bout d'une demi-heure.

Dans un autre post, vous parlez de la violence et que la question "doit-on tout montrer ?" et il y a une scène dans La Montagne sacrée que j'ai vue à 18 ans et qui est certainement la scène la plus violente que j'ai jamais vue... (du moins celle qui m'a le plus ébranlé, je n'ai aucune envie de revoir le film pour vérifier si ce serait toujours le cas, X années plus tard.)

Sinon, Jodorowky est un grand adepte de la philosophie orientale. Il a publié plusieurs livres où il en expose certains principes (ce qui m'a permis de vérifier que j'avais du mal avec cette philosophie). ;-)

Martin a dit…

Si vous n'avez pas supporté "La danza de la realidad", je ne suis pas sûr que vous aimerez celui-là. Notez toutefois que je ne suis sûr de rien, puisque je n'ai pas vu ce précédent opus.

"La montagne sacrée" pourrait être au programme de mon association en début d'année prochaine, mais rien n'est sûr encore. Si c'est le cas, j'y reviendrai... et peut-être pour reparler de cette scène de violence qui vous a visiblement fait forte impression.

J'ai cru comprendre qu'Alejandro Jodorowsky s'appuyait sur de nombreuses sources d'inspiration - dont cette philosophie orientale dont vous parlez. Je m'intéresse pour l'heure à son parcours de cinéaste. On verra bien s'il me mène ensuite à m'intéresser davantage à ces autres formes d'expression et références.