mercredi 18 juin 2014

Dans la ville glauque

Taxi driver m'a tellement plu que j'avais hâte de vous en parler. J'y ai fait allusion sur ma page Facebook, après avoir hésité à utiliser celle qui relaye les mises à jour du blog. Bon... j'imagine bien volontiers que certains d'entre vous n'ont pas attendu mes conseils pour le voir. Aux autres, je dirai donc sans attendre que le film mérite son statut d'oeuvre-culte. Il passe en tête de mes (p)références "scorsesiennes".

Le chauffeur de taxi dont il est question, c'est bien sûr Robert DeNiro. L'acteur allait sur ses 33 ans quand le film - son 14ème - est sorti et a obtenu... la Palme d'or du Festival de Cannes. Je l'ai trouvé fabuleux dans la peau de ce Travis Bickle, auquel le scénario de Paul Schrader donne sept ans de moins que son interprète. La veste kaki qu'il porte sur les épaules le rappelle: avant de se mettre à bosser pour véhiculer les gens dans New York, bas quartiers compris, Bickle était militaire, dans le corps des Marines, précise-t-il, et peut-être bien au Vietnam. En voix off, on l'entend penser que la société américaine mériterait un bon coup de balai. La seule personne qui peut encore trouver grâce à ses yeux, c'est Betsy, une jeune femme lancée en campagne électorale pour le compte d'un sénateur candidat à la présidence. Plutôt qu'amoureux, Bickle est fasciné par sa beauté: il imagine qu'une telle personne ne peut que bien s'entendre avec lui. L'optimisme dont il fait preuve est trompeur: Taxi driver donne alors une image noire, violente et quasi-désespérée, de la vie dans la ville.

Le long-métrage reste aussi célèbre pour avoir donné à Jodie Foster l'un de ses premiers grands rôles. La plus francophile des stars hollywoodiennes n'a pas encore 14 ans et joue pourtant avec un talent incroyable une dénommée Iris, adolescente et prostituée ! L'énergie qu'elle donne à son personnage fait qu'on oublie très vite ses films postérieurs et la femme admirable qu'elle est aujourd'hui, au bénéfice de sa prestation de l'instant. C'est simple: elle m'a même fait négliger le grand Harvey Keitel, qui n'en a pas moins toute l'ambiguïté nécessaire pour camper un proxénète crédible, tout à fait détestable. À voir une gamine faire le tapin avec si peu d'états d'âme, convaincue même que c'est ce qu'il y a de mieux pour elle, on finit inévitablement par se demander d'où viendra la lumière. Taxi driver laisse-t-il seulement le droit de croire en des jours meilleurs ? Pas sûr du tout. L'idée d'une rédemption reste faible, sans image pour la matérialiser. Cela ne veut pas dire que tout soit moche, au contraire. Sur le plan formel, musique de Bernard Hermann comprise, il me semble possible de tenir cette forme d'art comme l'une des plus belles qui soient. Maintenant, c'est sûr qu'il faut admettre de se frotter à la noirceur.

Taxi driver
Film américain de Martin Scorsese (1976)

C'est "amusant": presque terminé, le film m'a remis Drive en tête. Désolé pour les admirateurs et -trices de Ryan Gosling: Bob DeNiro s'avère bien meilleur que lui ! Il faut dire aussi que Scorsese lui offre un personnage impressionnant, naïf d'abord, implacable ensuite. J'aime ce cinéma américain qui gratte là où la société va mal. Tentez donc Les visiteurs d'Elia Kazan si vous avez le coeur bien accroché...

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Et si vous voulez un autre avis sur le film d'aujourd'hui...
Vous pouvez en lire un chez mes amis de "L'oeil sur l'écran". Phil Siné en parle aussi sur sa "Cinémathèque" (entre autres). À vous de voir...

1 commentaire:

Laurent a dit…

Un très grand film. Je ne l'ai pas vu depuis des années, mais il reste marqué dans ma mémoire...