mardi 4 février 2014

Exils

Je ne crois pas qu'il me soit préalablement déjà arrivé de lancer janvier avec deux séances cinéma en trois jours. Je me sens heureux de l'avoir fait cette année, d'autant que je suis ainsi parvenu à aller voir un long-métrage repéré pour une autre raison: sa nationalité pour partie mexicaine. Rêves d'or - La jaula de oro a un réalisateur espagnol, c'est vrai: Diego Quemada-Diez s'était jusqu'alors fait connaître du milieu du septième art comme assistant du cinéaste anglais Ken Loach. Il signe là sa toute première oeuvre personnelle.

Le Mexique ? J'y viens. C'est une étape obligatoire pour Sara, Samuel et Juan, simples adolescents guatémaltèques en passe de fuir clandestinement vers les États-Unis, dans le vague espoir d'une vie meilleure. Rêves d'or... nous mène avec eux sur la route de l'exil. Cette route est aussi celle de Chauk, un jeune Indien qui ne parle même pas l'espagnol et qui, pourtant, s'agrège au petit groupe aussitôt après que tous se sont tirés d'une première péripétie commune. Cette route est surtout un chemin ferré, les personnages voyageant, comme beaucoup d'autres, sur les toits délabrés d'innombrables trains. L'un des grands mérites du long-métrage tient justement à ce qu'il montre cette situation telle qu'elle est, incertaine et dangereuse. Les plans s'étirent, comme s'il s'agissait finalement d'adopter une démarche de nature documentaire. Le générique révèle le nom de dizaines de vrais migrants comme autant de participants au tournage. Le respect qui est exprimé n'est pas feint. Le drame véritable prend le pas sur la fiction. Plus besoin alors de dialogues...

Rêves d'or... n'est de toute façon pas un film bavard. J'ai aimé constater qu'il n'était pas non plus un film sentencieux ou plombant. Diego Quemada-Diez démontre en montrant. Il était à Cannes, l'an passé: c'est ainsi que son travail est arrivé jusqu'à nos salles. L'immigration clandestine, c'est très souvent un sujet que l'on croit connaître, pour ne pas dire maîtriser. La manière dont les choses nous sont présentées ici n'est pas accusatrice, mais pointe une réalité fréquemment négligée. Je suis passé par des sentiments très variés devant ce triste "spectacle": la nausée et l'effroi ont eu à côtoyer l'inquiétude et la compassion. J'ai frémi, aussi. J'ai senti monter quelque chose de désagréable quand l'image m'a mis sous le nez l'ignoble mur qui borde la frontière américano-mexicaine. Régulièrement entrecoupé par des plans de neige qui tombe, le film dégage, sans pleurs, une sensation de froide inéluctabilité. L'exil reste toujours lié au risque de ne vivre ailleurs que ce qu'on pensait laisser chez soi. Dure leçon de vie quand on n'a pas encore 18 ans...

Rêves d'or - La jaula de oro
Film hispano-mexicain de Diego Quemada-Diez (2013)

Primé sur la Croisette, catégorie Un certain regard, le long-métrage m'en a remis plusieurs en mémoire et d'abord Harragas, autre film d'observation des migrations depuis le point de vue des migrants. J'ai aussi songé à Osama pour ce côté "fuite en avant". Impression curieuse, j'ai également fait un rapprochement avec Gold dans l'idée de la quête d'un Eldorado. Dernier parallèle avec L'été de Giacomo pour une même façon de saisir les choses comme elles se présentent.

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Je crois bien que j'ai quelqu'un à remercier particulièrement...
Sauf erreur, j'ai eu vent du film avant de lire la chronique sur le blog de David ("L'impossible blog ciné"). Disons donc que mon envie d'aller le voir s'est encore accrue après coup. Et qu'en sera-t-il de la vôtre ?

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