jeudi 25 avril 2024

Pour elle, pour eux

Il est arrivé quelque chose à Charlie - leur amie à tous les trois. Finalement, c'est donc ensemble que Boris, Élie et Max font le voyage qu'ils auraient dû faire avec elle. De la complicité, de la mélancolie. Une route qui ressemble à ce que peut être cette chienne de vie. Douce. Dure. Contradictoire. Courte. Belle. Et oui, digne d'être vécue.

Comme des frères
est sorti au cinéma il y aura bientôt douze ans. J'étais moi-même ailleurs, dans une autre ville, dans une autre vie. J'y ai encore quelques attaches et je me suis soudain souvenu du film comme d'un de ceux que je voulais voir. C'est fait et je l'ai aimé ! Hugo Gélin, petit-fils de Daniel, nous offre un joli portrait multiple dans un road movie affectif et assez inattendu. Il a l'intelligence narrative de relier le temps présent à de nombreux flashbacks explicatifs de ce qui réunit (ou pas) Charlie et ses amis. Les acteurs ont été bien choisis: François-Xavier Demaison, Nicolas Duvauchelle et Pierre Niney forment un trio attachant et tout à fait crédible. Moins présente à l'image, mais jouant - bien entendu - un rôle-clé dans toute cette histoire, Mélanie Thierry est bien aussi lumineuse que je l'espérais pour assumer un récit bâti sur des émotions mêlées. Le résultat ? 333.636 entrées au box-office français. C'est trop peu...

Comme des frères
Film français d'Hugo Gélin (2012)

Rien de franchement innovant, mais un (premier) film bien mené jusqu'au bout. Le réalisateur voulait mettre l'accent sur la différence d'âge des trois garçons et y parvient de manière tout à fait subtile. Ajoutez-y la route et vous obtenez un beau film autour d'une amitié comme peuvent l'être Eldorado, Mobile home ou bien En roue libre. Je vous invite cordialement à compléter cette liste, 100% subjective !

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Pas d'inspiration ? Vous préférez lire ?

Vous pourriez le faire chez Pascale, bien sûr, mais aussi chez Laurent.

lundi 22 avril 2024

À crocs ?

Sasha a 68 ans et en paraît quinze. Aucune ride ne barre sa peau d'éternelle adolescente. C'est (para)normal: elle n'est pas humaine ! Elle n'en est pas moins cependant l'héroïne d'un bon petit film arrivé du Québec: Vampire humaniste cherche suicidaire consentant. Typiquement le genre d'histoires farfelues qui, parfois, me plaisent...

Sasha est donc une vampire(tte ?). Avec un sérieux problème vital. Parce qu'elle s'attache aux humains, elle est incapable de les tuer. Pourtant, son alimentation et par conséquent sa vie en dépendent. C'est ce que lui rappelle sa mère, lassée de la voir toujours installée sur le canapé familial à siroter des pochettes de sang sorties de Dieu sait quel hôpital. Sasha est donc envoyée chez une cousine chasseuse censée lui apprendre quelques techniques cynégétiques de base. Dégoûtée, la pas-si-jeune fille se sent à l'inverse étrangement attirée par Paul, un garçon qui ressasse son mal-être et se juge même prêt au sacrifice de sa vie. Surtout si cela peut être utile à quelqu'un. Bon... j'en ai assez dit sur le scénario, non ? J'ajoute ici que le film réussit son pari de tenir une heure et demie sans jamais lasser. Encore faut-il accepter son rythme lent: pas un problème pour moi. Sur la forme, je n'ai rien à lui reprocher. Oui, je me suis bien régalé !

J'ai trouvé que Vampire humaniste cherche suicidaire consentant reposait sur deux jeunes comédiens très convaincants, Sara Monpetit et Félix-Antoine Bénard. Il serait d'ailleurs intéressant de voir le film comme s'il parlait d'une ado ordinaire: le duo fonctionnerait toujours et le scénario nous parlerait avec justesse des tourments de l'âge ingrat. Cela dit, j'ai aimé le casting dans son ensemble, adultes compris, et vous laisserai le découvrir par vous-mêmes au cinéma. Notez une chose: le film est en québécois... et sous-titré en français. Cela m'a surpris, au départ, et demandé un petit temps d'adaptation. Une fois pris le pli, j'ai vraiment apprécié la  photo du film: la lumière vive en est presque exclue, ce qui génère une ambiance fantastique particulièrement efficace pour soutenir le propos du long-métrage. Vous l'aurez compris: j'ai savouré cette comédie à l'air bringuezingue. C'est un vrai coup de coeur qui nous éloigne - un peu - du tout-venant de la production ciné, sans user non plus des références québécoises ultra-connues sous d'autres latitudes francophones. Un vrai bonheur...

Vampire humaniste cherche suicidaire consentant
Film canadien d'Ariane Louis-Seize (2023)

Encore une création qui me fait déplorer que les salles françaises n'accueillent qu'un nombre réduit de films québécois ! Ou pour le dire positivement: je suis vraiment content d'avoir eu accès à celui-là ! Dans un genre assez proche, Morse est presque devenu un classique. Je recommande aussi Only lovers left alive et... Hôtel Transylvanie. Et pour une approche "tradi" ? Le Nosferatu du génial Werner Herzog.

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Qui d'autre a été sensible au charme du film ?

Mon pote Benoît, collègue de travail et photographe de grand talent. Mais aussi Pascale, qui a publié sa chronique dès la toute fin de mars. Dasola, en revanche, témoigne d'un avis (un peu) moins enthousiaste.

dimanche 21 avril 2024

Six salles de moins...

Aujourd'hui, un petit aparté: j'avais l'intention d'écrire quelques lignes sur le cinéma où j'ai vu les trois films chroniqués de cette semaine. J'ai saisi l'occasion du Printemps du cinéma, les 24, 25 et 26 mars. C'était aussi lors des derniers jours d'ouverture des 6 Rex, salles historiques de l'Isère, désormais fermées ! Et de manière définitive...

Ce dimanche, cela fera pile quatre ans et demi que j'habite Grenoble. Quand je suis arrivé, on m'a assuré qu'après Paris, elle était la ville française dotée du plus grand nombre d'écrans de cinéma, en ratio avec sa population. Toutes les salles avaient survécu au Covid. D'après ce que j'ai lu, les 6 Rex n'étaient même pas déficitaires ! Qu'importe: ce n'est pas de gros sous que je veux parler aujourd'hui...

Bon... les 6 Rex n'ont jamais été le cinéma que j'ai le plus fréquenté. Pourquoi en parler, alors ? Parce que j'y ai vu souvent des familles nombreuses avec enfants. Parce que les tarifs restaient raisonnables. Parce que je me dis qu'une partie du public n'ira plus au cinéma maintenant que ces établissements les plus "populaires" ont disparu. Vous me direz que cela reste à vérifier. Je veux bien le reconnaître...

Mon mauvais pressentiment vient aussi d'une de mes convictions profondes: l'annonce de la fermeture d'un lieu consacré à la culture n'est JAMAIS une bonne nouvelle. D'après moi, il demeure essentiel que l'art et la création puissent demeurer accessibles à toutes et tous. Utopie ? Oui, probablement. Mais je ne veux pas renoncer à y croire ! D'autant que j'ai quelques ami(e)s artistes qui se battent pour cela...

Les 6 Rex ont fermé: je n'en ferai pas un drame et je ne suis pas sûr d'être véritablement nostalgique. J'espère ne pas oublier les moments agréables que j'y ai passés, en ayant une pensée solidaire pour celles et ceux qui en ont vécu d'autres, ainsi bien sûr que pour le personnel fragilisé, j'imagine, par cette décision d'en finir avec les projections. Et je fredonne du Eddy Mitchell: "Et le rideau sur l'écran est tombé"...

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Pour conclure, voici la liste des 16 films que j'ai vus aux 6 Rex...
- Huit d'entre eux tournés en images réelles :
Le Mans 66 / Cruella / S.O.S. fantômes - L'héritage
Les vedettes / Astérix & Obélix - L'Empire du milieu
The creator / La vie de ma mère / Bob Marley : One Love

- Les huit autres conçus en animation :
En avant / Spycies / Les bad guys / Buzz l'Éclair
Le chat potté 2 - La dernière quête / Élémentaire
Ninja Turtles : Teenage years / Le royaume des abysses

vendredi 19 avril 2024

À la gloire de Bob

Faut-il toujours se méfier des biopics ? Je vous pose cette question après avoir vu Bob Marley : One Love, qui propose un portrait filmé de l'artiste jamaïcain, mort d'un cancer à 36 ans, le 11 mai 1981. Produit par son ex-femme et plusieurs de ses fils, ce long-métrage prend apparemment quelques libertés historiques. Ce que j'accepte...

Je ne suis pas un grand fan du reggae, mais j'ai encore le CD Best of de Bob Marley que j'écoutais régulièrement quand j'étais étudiant. Cela me ramène donc au cours de la deuxième moitié des années 90. J'avais compris que le chanteur prônait l'égalité de tous les êtres humains, tout en étant l'un des premiers à avoir connu un vrai succès international après des débuts dans ce que nous autres Français appelions encore un "pays du tiers-monde". Et j'en étais resté là ! Résultat: ce n'est qu'avec Bob Marley : One Love que j'ai une vision de la Jamaïque de la fin des années 70, dans toute sa complexité. Celle d'un pays abandonné par les Anglais et au bord de la guerre civile. Un pays que ce cher Bob quittera bientôt pour sauver sa peau. Vous le saviez, vous, que sa femme, ses amis et lui avaient échappé de peu à des compatriotes exaltés venus chez eux pour les flinguer ? Tout est dans le film (ou sur la page Wikipédia). C'est assez édifiant !

Je vais être prudent et vous encourager à l'être: certaines questions restent en suspens ou font encore polémique près de 40 ans plus tard. Tournage hollywoodien oblige, les zones d'ombre du sieur Marley n'apparaissent que très brièvement: le descriptif de sa personnalité complexe est donc largement simplifié et sans doute (trop) flatteur. Mais qu'importe: il est aussi largement musical et j'ai trouvé agréable de replacer les chansons de la bande originale dans leur contexte historique. Bob Marley : One Love témoigne aussi des difficultés qu'un groupe peut traverser pour garder son unité: c'est passionnant. Et, autre bonne nouvelle: les scènes de concerts ou de répétitions s'avèrent relativement réussies - ou je dirais crédibles, en tout cas. Voilà un film que j'ai dans l'ensemble apprécié, malgré ses défauts indéniables... et mon impossibilité d'en profiter en version originale. Désormais, je vais essayer de remettre la main sur mon vieil album...

Bob Marley : One Love
Film américain de Reinaldo Marcus Green (2024)

Même revu et corrigé par quelques-uns des membres de la famille survivante, ce long-métrage "à la gloire de" reste agréable à regarder jusqu'au bout (et à entendre, bien sûr, grâce à pas mal de tubes). Dans le même genre, Bohemian Rhapsody - un peu lissé également - pourrait plaire aux amoureux de la musique de Queen. Mon opus préféré, d'un point de vue général ? Control, consacré à Joy Division !

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Une ultime précision...

Le film présente également Bob Marley comme un grand mystique. Une opportunité d'un peu mieux appréhender le mouvement rastafari.

mercredi 17 avril 2024

Profondeur(s)

Je ne voudrais pas écrire de bêtises, mais il me semble très plausible que les films d'animation présentés dans les salles de l'Hexagone viennent principalement des États-Unis, du Japon et de France. D'ailleurs, rares sont ceux que je chronique, originaires d'autres pays. Ce sera cependant le cas aujourd'hui, avec Le royaume des abysses !

Sept longues années de travail ont été nécessaires pour la production de ce film chinois, reparti bredouille du dernier Festival d'Annecy. Nous y rencontrons Shenxiu, une fillette de dix ans que la séparation de ses parents rend malheureuse (je vous épargne les détails). Profondément meurtrie, la gamine ne profite guère de la croisière organisée par son père pour son anniversaire, autour de sa famille reconstituée. Une tempête la propulsera finalement dans un monde sous-marin proche de celui des livres que lui lisait sa maman. L'occasion de la retrouver enfin, peut-être ? Le royaume des abysses part en tout cas dans cette direction et poursuit aussi d'autres caps avec son chef-cuisinier fantasque et ses dizaines de clients-poissons constamment affamés. Bien des surprises nous attendent par la suite.

Les images fixes ne suffisent pas pour mesurer à quel point l'univers dans lequel le film nous immerge est tourbillonnant et ultra-coloré. Cette virtuosité technique associe images de synthèse 3D et peinture animée. Pour le dire vite, vous ne verrez pas cela tous les jours ! Attention: ainsi que je l'ai lu après coup, cet intéressant parti pris graphique peut parfois paraître un peu "étouffant" face à un récit complexe et dont certains codes, asiatiques, nous échappent. Exemple: il est question d'un Fantôme Rouge visiblement malfaisant pour Shenxiu, mais ce qu'il est en réalité demeure assez mystérieux. Autant, dès lors, se laisser emporter par Le royaume des abysses sans chercher à tout comprendre (ou bien même à tout percevoir). Sur grand écran, c'est en premier lieu une expérience fascinante ! J'imagine qu'elle est accessible aux plus jeunes, à partir de 13-14 ans. Cela dit, à 21h20, mes voisins de fauteuil en avaient une vingtaine...

Le royaume des abysses
Film chinois de Tian Xiaopeng (2023)

Une bonne surprise que ce film que je n'avais pas du tout vu venir ! Sa "mignonnitude" dissimule un sujet vraiment sensible et difficile pour les très jeunes enfants, à mon humble avis. Les autres ? Go ! Dépités, certains critiques ont pointé une (trop ?) nette ressemblance avec le style de Hayao Miyazaki en général et Le voyage de Chihiro en particulier. Ce n'est pas faux, mais cela m'a paru très acceptable...

lundi 15 avril 2024

D'humeur et d'amour

Un jour, l'euphorie. Le lendemain, une dépression profonde. Un yo-yo constant entre les émotions les plus joyeuses et les plus accablantes. C'est ainsi, je crois, qu'on caractérise la bipolarité, que les médecins désignaient auparavant sous le terme "psychose maniaco-dépressive". Un trouble placé au coeur d'un film sorti en mars: La vie de ma mère.

Pierre, la trentaine, commence à s'en tirer comme fleuriste. On sent qu'il aime son métier, mais aussi qu'il est vraiment très intransigeant avec lui-même. D'où cette sensation qu'il pourrait finir par exploser. Ce matin, par exemple, lorsque sa grand-mère l'appelle en urgence. Judith, la mère de Pierre, s'est échappée de la clinique psychiatrique où elle était internée. Le jeune homme n'a dès lors pas d'autre choix que de venir la retrouver, de la voir souffrir et de la raccompagner auprès de ses soignants - qu'elle ne veut plus voir, bien entendu. Autant le dire: La vie de ma mère commence comme une comédie légère, mais adopte très vite un ton sérieux et plutôt dramatique. Comment vous dire ? Malgré quelques longueurs, ce film m'a cueilli. Lui aussi parie sur l'ascenseur émotionnel, oui ! C'est ce qui m'a plu...

Pour la première photo, j'ai choisi Agnès Jaoui et William Lebghil. Sauf erreur de ma part, le duo est inédit. Il fonctionne bien. Visiblement très investie, la comédienne semble parfois très proche du cabotinage, mais le contrepoint qu'apporte alors son partenaire leur permet à tous les deux (et au film) de trouver un bon équilibre. Cette justesse émane aussi, sans aucun doute, des personnages secondaires, ainsi que de leurs différents interprètes, évidemment. Alison Wheeler - sur la deuxième photo - ne m'a guère convaincu jusqu'ici dans le registre de l'humour, mais je l'ai trouvée touchante dans La vie de ma mère. Je réserve une mention spéciale également pour Salif Cissé et Rosita Dadoun Fernandez, que je découvre juste. Joliment récompensée d'un Prix des lycéens au Festival de Royan l'année dernière, puis d'un Prix du public à Angoulème, cette histoire n'a jamais vraiment su décoller des tréfonds du box-office français. Et c'est vrai aussi que j'ai lu au moins une très mauvaise critique ! Dommage: je vous assure qu'elle ne mérite pas de passer inaperçue...

La vie de ma mère
Film français de Julien Carpentier (2024)

Ce film nous dit qu'il est difficile, mais possible d'aimer les gens assez pour les comprendre et ne plus les juger. Et c'est... réconfortant ! Après, naturellement, vous n'avez pas forcément besoin (et/ou envie) que le cinéma vous le dise pour le savoir. Je suggère tout de même d'autres films tendres et durs à la fois: Une femme sous influence, Take shelter et En attendant Bojangles. Si vous en voyez d'autres...

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Un petit mot encore...

Je souhaite dédier ce texte à la mémoire de ma grand-mère maternelle - une femme formidable qui aurait eu 96 ans aujourd'hui...

samedi 13 avril 2024

Le génie tourmenté

C'est dingue: de son oeuvre la plus illustre, Maurice Ravel (1875-1937) affirmait qu'elle était "vide de musique". Près d'un siècle est passé depuis sa composition: le fameux Bolero est revenu à mes oreilles grâce au cinéma - et autour d'un film du même nom. Il faut ajouter que la réalisatrice dit avoir réalisé et assumer "une adaptation libre" !

Malgré plusieurs échecs au Prix de Rome, Ravel jouit d'une réputation flatteuse quand son amie Ida Rubinstein, une danseuse et mécène russe installée à Paris, lui passe commande d'un "ballet de caractère espagnol". Seul problème: le musicien connaît une panne d'inspiration et sa bienfaitrice risque de faire appel à un autre (Igor Stravinsky ?). Bolero - et mon image ci-dessus - le montrent un peu plus à son aise en d'autres circonstances, chez lui ou au bordel, où les prostituées s'étonneraient presque de le voir si peu entreprenant avec elles. Maurice et son lien aux femmes: voilà un très vaste sujet que le film traite avec délicatesse et en ne sacrifiant pas son indéniable beauté formelle. Cinq grandes actrices prêtent leurs traits à ces inspiratrices discrètes et pourtant essentielles: Jeanne Balibar, Emmanuelle Devos, Sophie Guillemin, Doria Tillier et Anne Alvaro, toutes remarquables. Dans le rôle principal, Raphaël Personnaz n'a de fait rien à leur envier.

Je ne m'étendrai guère sur les rôles masculins, sinon pour souligner que j'ai pris plaisir à retrouver Vincent Perez, moins en vue désormais qu'à l'époque où je l'ai connu - le tout début de la décennie 1990. Formellement, je l'ai dit et le répète: Bolero est une vraie réussite. Sans surprise, la partition y a une place importante, mais je précise que l'image, elle aussi, recrée la Belle Époque de façon convaincante et admirable. Nous y découvrons dès lors la personnalité d'un génie réputé dans le monde entier, mais constamment rongé par le doute. Au passage, j'ai appris beaucoup de choses sur sa difficile fin de vie et ainsi apprécié qu'elle soit abordée sans grandiloquence esthétique. "Rien n'est jamais appuyé", a justement indiqué Raphaël Personnaz. D'après lui, c'est la conséquence d'une bonne entente de la réalisatrice avec Christophe Beaucarne, son très talentueux directeur de la photo. Je suis donc ressorti du cinéma avec l'envie d'écouter de la musique...

Bolero
Film français d'Anne Fontaine (2024)

Il y a suffisamment de belles choses dans ce film pour que je reste sourd à ceux qui le trouvent trop éloigné de son personnage central. Ce n'est pas tous les jours que le cinéma produit un opus aussi fort que le génial Amadeus, Tous les matins du monde ou même Shine. Peut-être faudrait-il qu'il focalise avant tout sur la dimension sonore ! Je reste à l'écoute de vos conseils pour d'autres films du même genre.

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Et à ce propos... avec ou sans accent ?

J'ai choisi d'écrire Bolero avec un E non-accenté... tout comme Ravel le faisait dans toute sa correspondance privée et ses manuscrits. Wikipédia indique toutefois que, dès sa création, l'oeuvre a été citée, affichée, gravée et enregistrée indifféremment avec les deux formes.

Vous préférez en rester à la musique ?
Je comprends bien et vous recommande de lire aussi l'avis de Pascale. Sans oublier notre ami Princécranoir, auteur d'une chronique inspirée.

jeudi 11 avril 2024

De la justice

Ils se sont déroulés du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946. Intentés par les puissances alliées, les fameux procès de Nuremberg ont notamment permis de juger et de condamner 24 des chefs nazis encore en vie - je vous rappelle qu'Adolf Hitler, lui, s'était suicidé. Après cet épisode, l'Allemagne voulut presque... passer à autre chose.

Oublier enfin les bourreaux d'hier et les laisser vivre une seconde vie ordinaire: à l'Ouest, ce fut longtemps la politique de la République fédérale bâtie, dès 1949, sur les cendres du Reich. Adapté du roman éponyme de Ferdinand von Schirach, le petit-fils de Baldur, ex-chef des Jeunesses hitlériennes, L'affaire Collini évoque ce sujet sensible. Le scénario tourne autour du procès - criminel - d'un septuagénaire italien, poursuivi pour avoir froidement abattu un grand capitaine d'industrie allemand. Précision importante: il s'agit bien d'une fiction !

Gare: l'affiche du film en dit BEAUCOUP trop sur ce qu'il va raconter. En réalité, il ne sera révélé qu'au compte-gouttes: cet honnête film judiciaire parie sur une forme de suspense pour nous tenir en haleine. Avec notamment un étonnant Franco Nero (78 ans) et le jeune acteur autrichien Elyas M'Barek, il peut compter sur une troupe impliquée. Mais la forme, elle, n'est pas vraiment "à la hauteur": entrecoupées de flashbacks assez maladroits, les scènes finales les plus poignantes perdent en intensité dramatique, au profit d'un manichéisme pataud. C'est dommage, je trouve: il y avait mieux à faire d'un tel récit. Reste à saluer la belle démarche d'un cinéaste allemand, né en 1977...

L'affaire Collini
Film allemand de Marco Kreuzpaintner (2019)

Une note sévère pour ce qui reste une déception d'ordre technique. Car, vraiment, je regrette que la mise en images affadisse un temps important de l'histoire européenne, en minorant de ce fait sa portée. Bref... sans même reparler de La zone d'intérêt, je considère un film comme Le labyrinthe du silence bien plus percutant sur ce thème. Et, au côté des victimes, Phoenix et Les leçons persanes s'imposent.

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Un autre avis pourrait vous intéresser ?

Oui ? Très bien: vous pouvez dès lors compter sur notre amie Pascale.

lundi 8 avril 2024

La guerre des sables

Évacuons la question: oui, il y aura un épisode 3 de la saga Dune. Denis Villeneuve, qui comptait d'emblée tirer trois films des romans de Frank Herbert, l'a confirmé récemment dans une émission télé. Aucune date n'a toutefois été révélée: ce pourrait être 2026 ou 2027. De quoi me laisser le temps de lire l'intégrale des six bouquins, tiens !

D'abord, il faut que je vous parle de Dune - Deuxième partie, la suite du premier volet sorti en France à la toute fin de l'été 2021. Le cadre reste inchangé et nous revoilà sur la planète Arakkis, un grand désert qui abrite cependant la plus riche des matières premières: l'Épice. Très vaste, l'univers connu, lui, est dirigé par un empereur versatile et vieillissant: Padishah Shaddam IV a déclenché une terrible guerre entre deux familles nobles, inquiet qu'il était de la concurrence possible de l'un de ses vassaux - le très charismatique Léto Atréides. Sur ma première image, vous aurez peut-être reconnu Paul, son fils. Presque tous ses proches ont été massacrés lors d'une attaque sournoise des troupes de l'empereur et de ses affidés, les Harkonnen. L'héritier a trouvé refuge au beau milieu des vastes étendues de sable et parmi les Fremen, un peuple autochtone qui se bat pour être libre. D'aucuns voient en lui le prophète annoncé par une vieille prophétie...
 
Vous aimez la science-fiction et les grands conflits intergalactiques menés par d'immenses légions de soldats ? Parfait: vous serez servis. Copieusement: Dune - Deuxième partie dure presque trois heures. Non sans une certaine audace, je dirais néanmoins qu'il m'a marqué comme grand film politique, plus que comme blockbuster d'action. Concrètement, cela veut dire qu'il est bavard: la densité des dialogues me laisse penser qu'il est plutôt respectueux de sa source littéraire (tout en prenant quelques libertés, d'après ce que je peux en savoir). Rassurez-vous: cela reste malgré tout très accessible aux profanes. Sur grand écran, l'immersion dans cet univers s'opère sans difficulté aucune. Le prestigieux casting embarqué dans l'aventure est un guide précieux au coeur d'un décor qui peut parfois en rappeler d'autres. Jamais je ne me suis senti totalement perdu: ce n'est pas plus mal. Oui, le film s'inscrit clairement dans la lignée de celui qui a précédé...

Le scénario est assez prévisible, c'est vrai, et devoir attendre deux ou trois ans pour en connaître la conclusion n'est pas très réjouissant. Cela dit, j'estime qu'un film de ce type est "taillé pour le cinéma". Préférer le regarder sur petit écran semble pour moi inconcevable. Une fois n'est pas coutume: je suis allé voir Dune - Deuxième partie dans une salle IMAX pour profiter au mieux de sa (superbe) direction artistique. Je me souvenais pourtant du côté assourdissant du film sorti il y a deux ans et demi. Sa suite m'a paru un peu plus calme. Résultat: j'ai pleinement profité de ses - magnifiques - images. J'apprécie par ailleurs, et à sa juste valeur, le fait que la caméra s'agite moins que dans tant d'autres longs-métrages du même genre. Les plans sont lisibles et les enjeux parfaitement compréhensibles. Fidèle à ses bonnes habitudes, Denis Villeneuve soigne la forme. Merci à lui, qui a l'air solidement ancré dans le monde hollywoodien...

Je suis désormais curieux de voir comment ses personnages féminins vont encore pouvoir évoluer. À ce stade, deux d'entre elles m'apparaissent amenées à jouer un rôle décisif lors des événements futurs. Ce devrait bien être le cas de Dame Jessica, la mère de Paul, devenue la prêtresse d'un culte émergent organisé autour de son fils. En images, je vous montre aussi Chani, la femme du peuple Fremen dont le dernier Atréides s'est épris, pour le meilleur ou pour le pire. Mais pas question ici de tout révéler sur Dune - Deuxième partie. J'espère simplement vous mettre l'eau à la bouche, en vous précisant que ce ne sera certainement pas mon film préféré de l'année 2024. Disons qu'il m'a offert ce que j'attendais de lui: du grand spectacle. Par la suite, il sera pertinent d'évaluer la trilogie dans son ensemble. Quand un récit se dévoile au compte-gouttes, il n'est jamais inutile d'être patient. Et pas interdit de s'en saisir par la lecture, en priorité !

Dune - Deuxième partie
Film canado-américain de Denis Villeneuve (2024)

Je suis content de l'avoir vu dans d'excellentes conditions: je rêve qu'il en soit toujours ainsi dans les salles obscures (oui, mais bon...). C'est ce que j'appelle de la SF adulte, plus âpre et complexe que celle de l'univers Star wars. Je dois admettre aussi que Denis Villeneuve m'intéresse davantage avec Premier contact ou Blade runner 2049. Reste qu'à 56 ans, le Québécois est vraiment un cinéaste qui compte !

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Besoin d'avis multiples pour vous en convaincre ?

Vous pourrez en lire d'autres chez Strum, Princécranoir et Benjamin.

vendredi 5 avril 2024

Des faits à établir

Il était temps ! Oui, après de longues années à tourner autour, l'heure était venue d'enfin voir Les hommes du président, grande référence du thriller politique à l'américaine, quatrième du box-office US 1976. Un film (un peu) tombé dans l'oubli, j'ai l'impression: c'est dommage. Le duo Robert Redford/Dustin Hoffman mérite bien votre attention...

Bob Woodward est un jeune journaliste du célèbre Washington Post. Carl Bernstein y travaille également et a davantage d'expérience. D'abord rivales, les deux plumes s'allient néanmoins pour une enquête commune: elles veulent comprendre pourquoi trois ressortissants cubains et deux Américains se sont introduits de nuit dans l'immeuble qui accueille le siège du Parti démocrate - nous sommes en juin 1972. L'histoire est connue: ils voulaient installer des micros pour espionner les rivaux du président d'alors, Richard Nixon, en passe d'être réélu. L'affaire dite du Watergate l'empêchera de finir son second mandat. Dans Les hommes du président, la révélation de ce scandale majeur m'a paru moins importante que la description du fonctionnement d'une rédaction, avec ses libertés, ses contraintes et son rythme propre, souvent en décalage avec celui de ses divers interlocuteurs. Très bien filmé et parfaitement documenté, le film a l'intelligence d'éviter de tout raconter en détails et utilise des images d'archives pour appuyer son propos. D'archives encore récentes, naturellement...

Les hommes du président
Film américain d'Alan J. Pakula (1976)

Voir (ou revoir) cet opus en 2024, à l'aube d'un nouveau duel électoral entre Joe Biden et Donald Trump... c'est vraiment très intéressant. J'aime quand l'Amérique se regarde en face - et presque en direct ! Rappel: Steven Spielberg parle aussi du Post dans Pentagon papers. Bon... Conversation secrète et Blow out restent des incontournables si vous explorez la paranoïa du cinéma américain des années 70/80...

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Quelques infos en bonus...
J'ai cité Robert Redford et Dustin Hoffman: très masculin, le casting bénéficie également de l'apport du très bon Jason Robards, oscarisé pour le rôle de Ben Bradlee, le rédacteur-en-chef. Trois statuettes supplémentaires récompensèrent le film: celles du meilleur scénario adapté, de la meilleure direction artistique et du meilleur son. Bravo !

Vous aimeriez en savoir davantage ?
Il me faut donc vous conseiller de lire aussi la chronique de Benjamin.