vendredi 17 novembre 2017

Un amour sacrifié

Avertissement: s'il y en a parmi vous qui n'aiment pas les mélodrames classiques, je crois préférable qu'ils attendent la chronique suivante. Cela étant dit, je trouve vraiment très regrettable de rester à l'écart d'un film comme Quand passent les cigognes. Une oeuvre virtuose sera ainsi offerte à tous les curieux qui voudront bien la découvrir...

En vous parlant de ce film, je tiens la promesse que je vous ai faite voilà quelques jours et reviens de nouveau sur le cinéma soviétique. Quand passent les cigognes est l'unique film de ce grand pays disparu à avoir obtenu la Palme d'or. Toujours surprenante, l'histoire retient que c'est le jeune Claude Lelouch qui, après avoir pu assister au tournage, avait milité pour sa diffusion au Festival de Cannes. Côté scénario, nous voilà en Russie, à l'aube de la seconde guerre mondiale. C'est l'occasion de rencontrer Veronika et Boris, amoureux encore insouciants, mais que le destin, cruel, va bientôt séparer. C'est court, mais je veux m'en tenir là quant au résumé de l'histoire. Quand j'ai cité le mot "mélodrame", ce n'était bien sûr pas à la légère. Mais croyez-moi: celui-là est parmi les plus beaux que je connaisse...

C'est bien simple: ces images de soixante ans m'ont paru sans défaut. Il faut dire que j'ai eu la chance de les découvrir dans une copie restaurée et sur grand écran, qui plus est. On m'a appris à l'occasion qu'elles étaient nées à une période très particulière: celle du dégel soviétique quand, quelques années après la mort de Staline, Moscou lâchait un peu de lest sur les libertés publiques et laissait les artistes s'écarter quelque peu du suivi de la doctrine socialiste pure et dure. Tourné dix ans plus tôt, Quand passent les cigognes aurait pu n'être qu'une allégorie propagandiste de plus: c'est presque le contraire ! Comme pour sublimer encore les grands sentiments qui s'y expriment avec force, la forme est juste impeccable, aussi soignée que le fond. Virevoltante, la caméra compose ainsi plusieurs plans d'une beauté étourdissante, qui devraient vous faire une très forte impression. Parfois, le rythme ralentit un peu et elle s'arrête alors sur des visages formidablement expressifs - et c'est peut-être encore plus beau. Parler de chef d'oeuvre, pour cette fois, ne me semble pas exagéré...

Quand passent les cigognes
Film soviétique de Mikhaïl Kalatozov (1957)

Je vais me répèter: je n'ai rien à reprocher à ce film. Quelques scènes du Moscou reconstitué m'ont fait penser aux ruines viennoises vues dans Le troisième homme (dans un tout autre genre, évidemment). D'une certaine façon, Les assassins sont parmi nous offre également quelques similitudes. Restent des émotions assez proches de celles ressenties avec Je ne regrette rien de ma jeunesse. À vous de voir !

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Et si vous voulez suivre les oiseaux migrateurs...

Vous pourrez désormais les retrouver chez Ideyvonne, Strum et Lui.

8 commentaires:

Véronique Hottat a dit…

Tu as eu beaucoup de chance de le voir sur grand écran dans une copie restaurée, je t'envie sur ce coup là :)

Strum a dit…

Un chef-d'oeuvre en effet. Avec des plans séquences d'une virtuosité ahurissante (pendant des émotions ressenties par les personnages) qui feraient rougir la très grande majorité des films d'aujourd'hui, si plats visuellement à côté. Merci pour le lien, Martin.

Martin a dit…

@Sentinelle:

Oh oui, je me suis senti privilégié, sur le coup.
Tu l'as vu dans quelles conditions, toi ? C'est une telle merveille !

Martin a dit…

@Strum:

C'est étrange, tu vois. Ces mouvements d'appareil pourraient être lourds, à force, mais non.
Effectivement, ça dit beaucoup de la tourmente des sentiments des personnages. Et c'est ce qui est beau !

Pascale a dit…

Ah la la... qu'il est beau ce film. Et tu atteins presque les ***** quel événement tovaritch.
Je l'ai vu du temps où Le cinéma de miniut existait encore.
Tu me donnes une furieuse envie de le revoir.
C'est un film renversant qui donne envie d'aimer le cinéma.
Je m'en vais de ce pas lire chez Marcello... euh Strum.

Martin a dit…

Tu vois, tout arrive ! Mais je garde les cinq étoiles pour les chefs d'oeuvre revus...
Euh... je crois que "Le cinéma de minuit" existe encore, à vrai dire. Peut-être plus tard.

Content de te donner une furieuse envie de le revoir ! Il le mérite !
Je n'ai pas réussi à ne pas tomber instantanément amoureux de Veronika / Tatiana Samoïlova...

ideyvonne a dit…

Cool... tu as pu le voir! J'avais fait le film sur mon blog en 2011, ça date déjà.
Comme Sentinelle, je n'ai pas vu la version restaurée mais je pense qu'en streaming je la trouverai :)

Martin a dit…

Oui, je me suis senti chanceux d'avoir cette opportunité de le voir sur grand écran.
À défaut de streaming, si tu es prête à investir, il existe un coffret avec ce film et deux autres Kalatozov.