jeudi 22 décembre 2016

Noël, du gâteau ?

Mon amie Joss avait beaucoup de travail, ce mois-ci. Elle a tenu cependant à rester fidèle à sa chronique mensuelle, même si un peu en retard. Fidèle à ses habitudes, elle a choisi un film "de saison"...

Avant la trêve de Noël, j'ai fait la mienne ! Et le créateur de ce blog a grelotté de froid en attendant de chauffer son âtre. C'en est fait. Et avec quel combustible de choix ! La bûche absente de sa filmographie ? Impossible. Réchauffons-nous enfin.

Trois soeurs sont réunies autour de leur mère lors de l'enterrement de leur beau-père. La première scène donne déjà le la de tout l'esprit du film: trois portraits féminins éclectiques liés par l'amour d'une mère et celui fédérateur que toutes trois lui  portent, tout comme à leur père d'ailleurs. Louba (Sabine Azéma), Sonia (Emmanuelle Béart) et Milla (Charlotte Gainsbourg), nées de Stanislas, un violoniste tzigane retraité (Claude Rich) et d'une superbe plante qui le rend encore jaloux en la personne d'Yvette (Françoise Fabian), se trouvent toutes trois au point charnière de leur existence.

L'aînée Louba, douce et bienveillante pour chacun, danseuse tzigane pour restos russes chics, est enceinte de Gilbert (Jean-Pierre Darroussin), marié et déjà père de cinq enfants, qui l'aime depuis des années sans avoir le courage de se décider. Louba ne sait si elle doit garder cet enfant ou pas. De son côté, Sonia mène une existence insatisfaisante de bourgeoise aisée auprès de ses deux enfants, d'un mari snob et infidèle, et d'un amant sincère, fleuriste à Rungis. Quant à la jeune Milla, rebelle de la famille, elle cumule les échecs sentimentaux tout en orchestrant avec brio une carrière commerciale autonome. Leurs indécisions respectives trouvent leur point d'orgue dans la montée en puissance de deux lourds secrets couvés par chacun de leurs parents. C'est le crescendo d'une mélopée tzigane: ça monte en force et quelle force !

Les deux révélations apporteront à leurs progénitures la confirmation d'une nécessaire prise de conscience et aussi de décisions respectives. Nous n'y assisterons pas mais nous le pressentons, et c'est déjà bien suffisant pour donner à ce scénario toute sa valeur. Danièle Thomson fait preuve d'un talent fou pour mener trois portraits de jeunes femmes avec toujours une face cachée, tout en introduisant des personnages périphériques goûteux, sans mièvrerie et eux aussi bien plus profonds que d'apparence: Jean-Pierre Darrroussin, Isabelle Carré et Christopher Thomson sont à croquer. La réalisatrice s'est saisie des préparatifs de Noël comme cadre d'un drame à multiples tiroirs dont la particularité est aussi de communiquer entre eux, notamment dans leur dénouement individuel, mais aussi dans une peinture familiale authentique qui pourrait bien faire réfléchir beaucoup d'entre nous. Noël est-il toujours vécu avec joie et douceur ? Ne remet-on pas en cause notre propre parcours dans ce pot où fraternité et amour ne sont pas forcément au rendez-vous ?

En tout cas, la bûche peut parfois s'avérer très lourde à digérer. Celle-ci demeure positive, pleine d'espoir et de vie au fil de dialogues savoureux et jamais dénués d'humour. Dès les premiers instants, dans l'écrasement attendu de l'enterrement au Père Lachaise, la sonnerie du téléphone du défunt au fond du trou fait réaliser à sa veuve qu'elle a oublié de prévenir l'ex-femme avec laquelle le couple conservait des liens. Plus tard, Gilbert, criant son désespoir à un inconnu qu'il a confondu de dos avec sa belle-soeur Milla... tout cela ponctue le rythme de jolis sourires remplis d'esprit. À la façon des pizzicati tziganes, ils viennent poser leurs surprises vivifiantes entre quelques scènes décisives comme Sonia distribuant les riches cadeaux d'entreprise Lancel de son mari aux passants des Tuileries ou encore la mère apprenant de manière anodine au patriarche que sa dernière fille - sa préférée - est le fruit de ses amours avec un autre. Des instants carrément douloureux nous soulèveront vers le dénouement: Joseph faisant face à l'irresponsable mère de ses enfants le soir de Noël en est un bel exemple. Mais tout s'arrange, les angles se polissent. Y'a de la force et aussi de l'amour là-dedans. Ce premier film de Danièle Thomson en tant que cinéaste fut servi par une écriture solide et un casting de valeur. En dix-sept ans, il n'a pas pris une ride. Je vous en sers une part ?

Pour finir, un grand merci à Joss pour ses différentes chroniques ! Puisqu'il m'a été conseillé de les rendre accessibles plus facilement pour les lecteurs tardifs, j'ajoute un lien vers les précédentes:
- L'avenir / Mia Hansen-Løve / 2016,
- Aya de Yopougon / Marguerite Aboué et Clément Oubrerie / 2013,
- Camille redouble / Noémie Lvovsky / 2012,
- The station agent / Thomas McCarthy / 2003,
- Journal intime / Nanni Moretti / 1993.

10 commentaires:

Véronique Hottat a dit…

Je suis une grande fan de La bûche de Danièle Thomson ! J'imagine déjà les gros yeux des cinéphiles : " quoi, tu aimes un film de Danièle Thomson ?" Et bien oui, et pas qu'un peu. Je l'ai vu la première fois au cinéma, puis à la télé, puis à la télé, puis à la télé, puis... enfin je ne compte plus le nombre de fois que je l'ai vu. J'aime ce film, et je ne m'en lasse pas, un point c'est tout :)

Merci pour toutes ces belles chroniques Joss, je constate une nouvelle fois que nous avons des goûts communs. Martin, je te remercie pour la récapitulation des liens vers les anciens billets de Joss. Il me reste à regarder L'avenir de Mia Hansen-Løve et Aya de Yapougon de Marguerite Aboué et Clément Oubrerie. J'avais déjà vu Camille redouble et re-re-re-vu La bûche, j'ai découvert The station agent et Journal intime. Que de bons films, que de bons conseils donc :)

Pascale a dit…

Le cinéma petit bourgeois de Danièle Thompson m'est absolument insupportable. Mais cette bûche m'était moins restée sur l'estomac que le reste de sa filmo. Ici les gens semblent avoir quelques problèmes "ordinaires" auxquels ont peut s'identifier et les interprètes étaient TOUS absolument savoureux.

Martin a dit…

@Sentinelle:

Ton enthousiasme fait plaisir. Les cinéphiles, il faut les laisser à leur juste place. Chacun ses émotions, chacun ses plaisirs. Le cinéma est suffisamment riche pour qu'on puisse trouver son bonheur partout.

Et pas d'quoi pour le récapitulatif des chroniques de Joss ! Et merci à toi de m'en avoir soufflé l'idée !

Martin a dit…

@Pascale:

Merci pour ce contrepoint critique, chère amie !
Si "La bûche" est le film le plus léger de la réalisatrice, on pourra dire que Joss... l'a bien choisi.

Pascale a dit…

C'est pas le plus léger (clichés à gogo) mais le moins lourdingue.

Anonyme a dit…

C'était pour Noël chère Pascale, alors même un p'tit relent de Mister Bean par ci par là se laisse digérer. Sabine Azéma avait oublié la farce, mais n'y a pas laissé sa montre, c'est déjà ça ! Oui, elle était lourde cette dinde !
Bon Noël à tous... et à chacun(e)!
Joss

Joss a dit…

Martin, j'ai omis de te dire que tu es un phénomène en terme de rédaction pour assurer seul la critique de tant de films, tous ceux que tu vois ou presque. Alors bravo pour ta constance, ton talent et profite bien de ces vacances qui ne portent pas le nom de trêve pour rien !

Martin a dit…

@Pascale:

Chacun son tour de jouer sur les mots... c'est de bonne guerre, j'en conviens.

Martin a dit…

@Anonyme (alias Joss):

Noël ou pas, c'est toujours appréciable de te voir chroniquer des films que j'ignore assez superbement..

Martin a dit…

@Joss (pour de bon):

Merci pour ces compliments ! Je prends beaucoup de plaisir à parler de tous ces films. C'est vrai que, quand je fais une petite trêve et que je prends un peu de recul, je me dis que ça en fait beaucoup. Mais d'autres font encore davantage !

L'envie est toujours présente, alors pourquoi ne pas y céder ?