mercredi 10 février 2016

L'héritière

Avez-vous entendu parler de l'affaire du Palais de la Méditerranée ? De mon point de vue, c'est l'un des plus intéressants dossiers judiciaires français. Ouvert dès l'automne 1977, il n'était pas clos quand André Téchiné en a tiré un film: L'homme qu'on aimait trop. Nombreux sont ceux qui se sont passionnés pour cette folle histoire...

Je ne veux pas trop en révéler à celles et ceux qui en ignorent encore les contours - le tout est très facile à trouver sur Internet. J'indiquerai simplement qu'au départ, ces événements historiques ont concerné trois protagonistes: Renée Le Roux, la propriétaire d'un grand casino niçois, sa fille, Agnès, et son avocat, Me Maurice Agnelet. L'histoire repose d'abord sur un conflit mère-fille. Renée s'efforce de maintenir son établissement de jeu à flot, alors même qu'il suscite la convoitise d'un concurrent. Agnès, elle, voudrait toucher au plus vite la part d'héritage qui lui revient après la mort de son père et échapper alors à une vie déjà toute tracée. Entre les deux femmes, il y a donc également un homme, un juriste, qui commencera par veiller de près aux intérêts de la première, avant de devenir l'amant de la seconde. L'homme qu'on aimait trop est en somme le récit d'une trahison. C'est en réalité plus que cela, mais je vous laisse le découvrir seuls...

Moi qui connais bien le dossier, j'ai voulu voir le film pour une raison essentielle: la présence d'Adèle Haenel dans le rôle d'Agnès Le Roux. Une fois de plus, j'ai trouvé la comédienne tout à fait impeccable. Catherine Deneuve, elle, fait le job, quand Guillaume Canet s'en sort correctement pour camper le personnage le plus ambigu qui soit. Maintenant, ce que j'ai trouvé dommage avec L'homme qu'on aimait trop, c'est que le scénario ne s'écarte guère d'une ligne droite destinée à nous exposer les tenants et aboutissants d'une affaire pourtant déjà largement médiatisée. Il me semble qu'il y avait là matière à aller plus loin, notamment dans l'exploration de la relation toxique entre une jeune femme et le conseiller de sa mère. Je n'ai vu qu'au moment du générique final que les dialogues du film avaient été coécrits par Jean-Charles Le Roux, le fils de Renée et le frère cadet d'Agnès. Pas de quoi crier à la manipulation, mais je ne pense pas que ce soit tout à fait anodin, malgré tout. On peut regretter une fin en flashforward, assez convenue. Il aurait mieux valu couper plus tôt.

L'homme qu'on aimait trop
Film français d'André Téchiné (2014)

Avec ce cinéaste comme avec d'autres, j'aurais sûrement mieux fait d'éviter de commencer... par la fin. Nul doute que je trouverai d'autres occasions d'apprécier ce grand nom du cinéma français ! Cette fois, le film que je décrypte ne m'a pas paru décoller plus haut qu'un Possessions. Honnêtement, il est possible toutefois que tout ça vous "embarque" si vous ne connaissiez rien de l'histoire auparavant.

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Le titre du film vous étonne ?
Il reprend et détourne le titre d'un livre de Michel Henry, journaliste de Libération: Agnelet, l'homme que l'on aimait pas, sorti en 2008. Autour d'un énième rebondissement de l'affaire, un autre ouvrage vient de sortir, signé Pascale Robert-Diard (Le Monde): La déposition.

D'autres blogs font état du dossier...
J'appelle désormais à la barre les dames Pascale, Dasola et Sentinelle.

6 commentaires:

Véronique Hottat a dit…

Monsieur le procureur, je déclare en mon âme et conscience avoir bien vu le film mentionné, et c'est à ce titre que j'exprimai mon opinion à ce sujet. Ouhla, cela fait tout de suite très sérieux ;-)

J'ai le souvenir d'un film en trois parties, et mon intérêt déclinant au passage d'une partie à l'autre, avec donc une nette préférence pour la première partie, quand tout se met en place. Après malheureusement, peu de surprises tant tout coule de source. Ceci étant dit, j'ai quand même bien apprécié le film et j'en garde un assez bon souvenir. Je me souviens aussi d'avoir d'abord pensé que l'interprétation d'Adèle Haenel sonnait faux, ce que je trouvais très surprenant de la part de cette actrice, toujours excellente. Avant de me rendre compte que cette dissonance faisait partie de son personnage et qu'elle arrivait très bien à l'exprimer à travers son jeu. De Téchiné, je me souviens avoir bien aimé Ma saison préférée. Je me rends compte que je le connais peu finalement.

Martin a dit…

Me voilà bombardé procureur, maintenant. On aura tout lu ! La robe me va bien, au moins ?

Je suis assez d'accord avec tout ce que tu as écrit au sujet du film. Effectivement, au départ, le jeu d'Adèle Haenel sonne faux. Même si ça s'explique et s'améliore ensuite, je pense que ce n'est pas non plus son meilleur film.

Moi non plus, je ne connais pas bien André Téchiné (j'y remédierai sans doute un jour ou l'autre). J'imagine également qu'on peut prendre plus de plaisir devant ce long-métrage quand on ne connaît rien de la vraie affaire Le Roux / Agnelet.

dasola a dit…

Bonjour Martin, j'ai bien compris que j'ai été appelée à la barre, ce que je fais bien volontiers. J'ai aimé tout le début jusqu'à la disparition d'Agnès Le Roux. En revanche, ce qui est procès, m'a passablement ennuyée. Cela aurait pu faire l'objet d'un autre film. Sinon, les comédiens sont en effet très bien. Bonne fin d'après-midi.

Martin a dit…

Merci, Dasola, de ce témoignage. Je vois que nous avons globalement le même jugement. Les scènes de procès m'ont paru faiblardes, à moi aussi, et je continue effectivement de penser qu'André Téchiné est passé à côté d'un film potentiellement plus fort sur le plan émotionnel. Je ne pense pas qu'il aurait pu s'y consacrer, mais la thématique autour de tout ce qu'on fait par amour m'aurait semblé plus intéressante.

ChonchonAelezig a dit…

Intéressant, mais là encore... avec Téchiné j'ai du mal. Mais sûrement à voir quand même.

Martin a dit…

Je pense que l'histoire peut franchement t'intéresser si tu n'as pas entendu parler de la véritable affaire Le Roux / Agnelet. Après, au niveau réalisateur, c'est sage, mais ça passe encore, étant entendu qu'il s'agit pour ainsi dire d'un film de commande.