samedi 29 novembre 2014

Un père, une fille

Il s'était passé presque un an depuis mon dernier film québécois. Encore une fois, c'est Arte qui m'a permis de rattraper mon "retard" en m'initiant au cinéma de Denis Côté, réputé pour ses aspects insolites. Sauf erreur, Curling est son cinquième long-métrage. D'après mes lectures, ce serait aussi le premier distribué en France. Je continue de trouver notre francophonie cinéphile trop restrictive...

C'est de ce fait avec un plaisir manifeste que j'ai regardé Curling. Quelque part au Québec, un père, Jean-François Sauvageau, élève seul sa fille, Julyvonne, 12 ans. La gamine est coupée de tout contact extérieur: elle n'a aucun(e) ami(e) et ne va même pas à l'école. Cependant, en grandissant, elle manifeste l'envie d'une autonomie relative ou, au moins, l'espoir que son paternel autorise des sorties. Apeuré, ce dernier l'emmène alors sur ses lieux de travail, un motel bientôt fermé ou un bowling géré par une toute petite équipe. Julyvonne visite parfois Rosy, sa mère... en prison. Elle reste cloîtrée à la maison, le plus souvent. Si j'ai un conseil à vous donner pour voir ce film, c'est surtout de ne pas chercher trop d'explications. L'attente d'un cadre rassurant est vite découragée. Le scénario laisse des trous béants dans le récit et invite notre propre imagination à les combler.

Le procédé peut dérouter. Je parierais bien que certains décrocheront rapidement, quand Julyvonne croise un tigre lors d'une escapade clandestine en forêt  ou quand, au milieu de la neige, elle découvre les cadavres congelés d'un groupe d'inconnus. Projections mentales d'une gamine conditionnée pour avoir peur, d'après certains critiques. C'est possible. Cette irrationalité fait en tout cas partie du charme étrange de Curling. Il m'a paru difficile de ne pas avoir d'empathie pour ce père solitaire, confronté au grand défi de l'éducation monoparentale. D'autres y lisent tout autre chose: une névrose obsessionnelle pour son enfant, mâtinée peut-être d'une dose d'inceste. Pour ma part, j'ai vu dans le personnage de Jean-François une évolution qui me semble invalider cette piste. À chacun sa vérité. Le septième art n'accouche pas toujours d'oeuvres aussi ouvertes...

Curling
Film canadien de Denis Côté (2011)

Papa poule ou père abusif ? C'est à vous de le décider. Je dois dire qu'il m'a inspiré plus de pitié que d'inquiétude. Les images finales m'ont rassuré quant à sa manière d'envisager l'avenir de sa fille. Franchement, je crois qu'on est à mille lieues de l'ambiance mortifère d'un Canine, par exemple. C'est peut-être la neige qui vient adoucir l'étonnant propos de Denis Côté. Une certaine ambigüité subsiste...

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Si jamais vous voulez d'autres avis...
Pascale livre le sien sur son propre blog: "Sur la route du cinéma". Aucune autre possibilité parmi mes références habituelles, désolé...

Et pour finir, une chose amusante quant aux acteurs...
Emmanuel et Philomène Bilodeau sont père et fille dans la vraie vie !

4 commentaires:

sentinelle a dit…

Je l'ai enregistré et je le verrai en temps voulu. Le réalisateur Denis Côté était venu présenter son film « Vic + Flo ont vu un ours » en avant-première au festival de la Rochelle 2013, un film d’ambiance très spécial sur deux femmes qui se sont rencontrées en prison et qui essayent de refaire leur vie, toujours dans la marginalité. Ce qu'il en a dit après la projection était assez intéressant en tout cas. Il y a eu également dernièrement une rétrospective du réalisateur à la Cinematek de Bruxelles, qui a projeté tous ses courts et longs métrages. Et j’ai tout loupé évidement.

ChonchonAelezig a dit…

Ah bah ça aussi j'ai zappé dis donc... Crotte.

Jean-Pascal Mattei a dit…

En complément de votre lecture :
http://lemiroirdesfantomes.blogspot.fr/2014/11/curling-un-cur-en-hiver.html?view=magazine

Martin a dit…

@Jean-Pascal:

Merci ! J'irai lire votre analyse très prochainement. J'ai bien l'impression que le film suscite des interprétations très diverses.