vendredi 4 juillet 2014

Émotions volatiles

Bird people fait partie de ces films dont il n'est pas facile de parler. J'ignorais tout jusqu'alors des travaux de Pascale Ferran, une cinéaste rare: elle ne signe ici "que" son quatrième long-métrage, vingt ans après le premier. Moins prolifiques que d'autres, certains artistes concentrent leur talent sur quelques oeuvres fortes. Cette conviction personnelle - et quelques critiques positives, c'est vrai -  m'ont poussé à aller voir ce film-là. Dont il ne m'est donc pas facile de vous parler.

La scène inaugurale donne le ton. Audrey, jeune femme de chambre dans un hôtel aéroportuaire parisien, part travailler. Avant d'arriver sur elle, la caméra s'attarde sur les autres passagers de "son" RER. Outre leurs conversations, on entend alors la musique qu'ils écoutent parfois ou... leurs pensées du moment. Le long-métrage illustre alors de façon très sensorielle le quotidien de vies tout à fait ordinaires. Quant à Gary, l'autre personnage principal du film, il est pris soudain d'une crise d'angoisse face à son existence normée. Après une nuit agitée, cet ingénieur américain en transit entre San José et Dubaï décide de tout plaquer, travail, femme et enfants, sans s'inquiéter vraiment des conséquences. L'air de rien, Bird people se penche alors ostensiblement sur le monde d'aujourd'hui et notre relation collective, entre stress professionnel et incommunicabilité affective. Toute ressemblance avec la réalité n'est assurément pas fortuite...

C'est quand on a l'impression de voir une simple et nouvelle chronique de notre temps que le film décolle vers autre chose. Vous dire quoi serait trahir une intrigue qu'il me semble bien préférable de découvrir sans information préalable. Parce que j'en avais lu un mot, j'avais personnellement un indice quant à cette inflexion scénaristique. Sincèrement, je l'ai regretté: quand je vais au cinéma, je préfère être surpris que de voir mes premières impressions se confirmer. Bref... j'ai malgré tout aimé Bird people, film empli de liberté. Porté par une petite troupe d'acteurs, au premier rang desquels j'ai été ravi de revoir Anaïs Demoustier, ce long-métrage, d'un rude pragmatisme par certains aspects, offre aussi - et surtout - une bouffée de poésie. La manière (aérienne, bien sûr !) dont est filmé l'aéroport qui lui sert de cadre vaut à elle seule le déplacement. C'est une sorte de voyage. S'il est difficile d'en parler, il n'est pas facile non plus d'en revenir.

Bird people
Film français de Pascale Ferran (2014)

Pascale Ferran tourne peu, mais elle tourne juste: son oeuvre précédente, Lady Chatterley, a reçu le César du meilleur film 2007. Petits arrangements avec les morts, sorti en 1994, lui avait valu d'obtenir la Caméra d'or du Festival de Cannes. Je n'en dirai rien d'autre aujourd'hui, faute d'avoir pu les voir aussi. Le long-métrage de ce vendredi, lui, ne ressemble à aucun autre. Pas même à Birdy...

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Et maintenant, un petit tour sur la blogosphère ?
Vous pouvez vous arrêter sur "La cinémathèque de Phil Siné". Princécranoir a vu le film, lui aussi, et en parle sur "Ma bulle". Pascale l'évoque également en termes favorables: "Sur la route du cinéma".

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