mercredi 23 avril 2014

L'annonce aux parents

Il y a des films qui tombent bien. Fin mars, à la veille du second tour des élections municipales, alors que je songeais aux conséquences futures de la montée d'une certaine colère en France, j'ai eu l'occasion de découvrir un film plutôt courageux: Devine qui vient dîner ? Courageux, ce film l'est parce qu'il évoque la perspective d'un mariage mixte entre Joanna, femme blanche, et John, homme noir. Le cadre de fond est l'Amérique de 1967. Des États-Unis où les discriminations fondées sur la race ne sont alors interdites que depuis trois ans...

On notera au passage que le Civil Rights Act de 1964 prohibait également les discriminations religieuses, sexuelles ou nationales. Pour en revenir au film... Devine qui vient dîner ? nous présente deux tourtereaux déjà bien décidés à convoler, alors même que la loi leur interdit encore dans 14 des États américains. Joanna et John ont donc décidé de partir vivre en Suisse et, en chemin, ils sont allés exposer la situation aux parents de la jeune femme, soucieux d'obtenir leur bénédiction. Le plus inquiet est John, qui hésite d'ailleurs encore à parler trop vite et aimerait attendre quelque temps pour présenter son aimée à ses propres parents. Je vous passe maintenant l'évolution de cette intrigue et ses rebondissements. Tourné en studio, le film est objectivement théâtral, au meilleur sens du terme. Son scénario est remarquablement écrit et chaque acteur joue sa partition à la perfection. Grand, très grand cinéma classique.

Comme souvent pour les grands films, le souvenir du tournage apporte son lot d'anecdotes intéressantes et/ou touchantes. Présenté comme la dernière occasion de voir réunis à l'écran Katharine Hepburn et Spencer Tracy, Devine qui vient dîner ? a été conçu et tourné alors que ce dernier était gravement malade - il est d'ailleurs mort seulement 17 jours après le clap final. Au-delà de la contrainte technique posée par cette sombre réalité, je crois qu'on peut prendre le film comme une autre déclaration d'amour, réelle cette fois. Paroxystique, l'ultime monologue de Spencer Tracy - huit minutes ! - laisse Katharine Hepburn les yeux embués... c'est à la fois logique pour son personnage et pour elle-même. J'ai déjà salué l'intelligence du scénario: entre pure comédie et études de moeurs, les répliques font mouche, encore aujourd'hui. Sidney Poitier, que je découvrais pour l'occasion, m'a transporté et Katharine Hougton, ému. Bonheur !

Devine qui vient dîner ?
Film américain de Stanley Kramer (1967)

Je ne crois pas qu'on puisse parler de film militant. J'ai le sentiment que le thème du respect de la différence aurait pu être abordé autrement. Si c'est la pigmentation des amoureux qui pose question en l'espèce, le "problème" aurait pu venir d'autre chose: handicap physique, différence d'âge majeure ou orientation sexuelle. Je crois pouvoir dire que le film n'a vraiment rien perdu de sa pertinence. Avant de découvrir cette oeuvre, je ne connaissais Stanley Kramer que pour Un monde fou, fou, fou, fou. Dans un tout autre genre...

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